DÉCLARATION

Depuis plusieurs années déjà, au gré des débats québécois portant sur les
« accommodements raisonnables », l’immigration et la question de la laïcité, les citoyens du Québec sont graduellement confrontés à de nouveaux enjeux sociaux et politiques intrinsèquement liés aux valeurs de notre société démocratique.

La ville de Québec ne fait pas exception à cet égard.

Québec a connu une longue tradition d’accueil en douceur. Plus marquée à partir de la fin du XIXe siècle avec l’arrivée de Chinois via l’Ouest canadien, elle se continue, au début du XXe siècle, avec des Juifs d’Europe de l’Est victimes de politiques antisémites, puis de Grecs, Italiens et Portugais, après la guerre de 1939-1945. Dans les décennies suivantes, cette immigration se diversifie encore. Les années 1960 voient arriver des Français, des Belges et des Suisses, des Haïtiens fuyant le régime Duvalier, ainsi que des Africains.

À partir de la décennie 1970, à la suite de crises politiques diverses, des réfugiés sonnent à la porte de notre ville. Ils viennent de Chine, du Liban, du Chili, d’Amérique centrale et d’Asie du Sud-Est. D’autres fuient la guerre : Rwandais, Croates, Serbes, Bosniaques, Bulgares et même Russes.

Malgré certaines difficultés liées souvent à des conditions économiques difficiles, l’intégration de ces nouveaux arrivants se fait sans heurts. Mais il n’en est pas de même malheureusement depuis la fin du XXe siècle.

Depuis deux décennies environ, l’arrivée de migrants en provenance de pays où existaient déjà des tensions mêlant politique et religion, est venue assombrir le paysage du vivre-ensemble. Parmi ces nouveaux arrivants, des individus minoritaires, porteurs d’un fondamentalisme religieux, ont commencé à faire valoir leur droit à la différence, le plus souvent religieuse, en contradiction avec des valeurs de démocratie, d’égalité de droits entre les hommes et les femmes et en dénégation de l’orientation laïque de pouvoirs publics.

Cette attitude, pouvant être partagée par des individus de toutes religions et non pas d’une seule en particulier, postule à la base la possibilité pour des croyances d’influer sur l’espace public et d’interférer avec le politique en mettant de l’avant des revendications communautaristes ne relevant pas de l’idéal universaliste.

À la lueur des débats entourant la difficulté de certains à une intégration à l’ensemble de la collectivité d’accueil, majoritaire, et dans le contexte de discussions entourant divers projets de loi en relation avec ce qu’il est convenu d’appeler, à tort ou à raison, les « accommodements raisonnables », des citoyens ont estimé que la laïcité est un moyen d’établir des règles du vivre-ensemble respectueuses des valeurs de chacun sans permettre des empiètements dans l’espace public (i.e. celui des institutions publiques) pour des motifs le plus souvent religieux.

Laïcité capitale nationale a ainsi vu le jour à la fin de l’année 2013. Ses membres se sont donné comme mission de s’impliquer dans ce grand débat et de faire la promotion de la laïcité, en accordant une écoute particulière à l’actualité prévalant dans la région de la Capitale nationale.

Mais d’abord, il est important de bien comprendre le concept de laïcité avant de nous engager plus loin dans l’exploration de cet enjeu pour notre société.

Nous adoptons l’idée d’Henri Pena-Ruiz selon laquelle la laïcité est un principe universel et fraternel qui met en avant ce qui est commun à tous les êtres humains.

Trois conditions sont essentielles à l’exercice de la laïcité : la liberté de conscience, l’égalité de tous devant la loi et l’orientation universaliste du pouvoir public.

La liberté de conscience est au-dessus de la liberté religieuse et englobe autant les croyants de toute religion que les athées et les agnostiques. Cette liberté de conscience s’accompagne de l’autonomie de jugement de chacun, formée par l’école publique laïque. Cette dernière institution ne combat ni ne favorise la religion mais inculque chez le citoyen le savoir et la connaissance, donc la raison.

La liberté de conscience inclut la liberté religieuse, le contraire n’étant pas nécessairement vrai.

L’égalité de tous devant la loi car la laïcité transcende les particularités ethniques, culturelles ou religieuses et ramène l’individu à l’humain. Sur le plan spirituel, elle met sur un même pied d’égalité de droits toutes les options spirituelles, qu’elles relèvent de la religion, d’un humanisme athée, agnostique ou autre.

La troisième condition, l’orientation universaliste du pouvoir public, avance que l’institution publique n’est pas là pour accéder aux demandes particulières des individus mais aux demandes universelles des citoyens formant la société. Une loi édictée par l’Etat ne peut donc traduire les prescriptions d’une quelconque foi ou croyance. Ce qui amène par voie de conséquence à énoncer la règle de la séparation entre les pouvoirs religieux et l’État.

Ainsi, par exemple, l’intégrité physique et l’assujettissement de la femme à l’homme, qui répondent chez certains groupes religieux à une loi finalement communautariste, vont à l’encontre des principes universels des droits de l’homme.

Une fois ces conditions de la laïcité énoncées, la voie est-elle libre pour mettre en pratique ces principes de fonctionnement de notre société québécoise ? Malheureusement non. Depuis quelques décennies, l’évolution de notre société postmoderne a vu un sens de la responsabilité et du devoir céder graduellement le terrain à la maximisation du moi et au couronnement des droits individuels au détriment de valeurs collectives.

Concurremment, sur le plan politique, l’influence prépondérante de la démocratie libérale à saveur anglo-saxonne, étrangère aux valeurs républicaines, s’est traduite au Canada par la mise en place du multiculturalisme, politique mettant de l’avant les attributs identitaires d’une communauté au détriment de valeurs universelles de la société d’accueil. Nous croyons que le multiculturalisme, solution proposée par plusieurs, n’est pas le signe d’ouverture sur le monde qu’il croit être. Il s’agit plutôt d’une juxtaposition de ghettos ethniques, repliés sur eux-mêmes et sans autres liens que les rapports d’affaires quotidiens.

Conséquemment, nous privilégions le modèle de type républicain. Ce modèle met l’accent sur la liberté et l’égalité, valorisant l’intégration des nouveaux arrivants et le partage des valeurs communes plutôt que le voisinage des différences.

La laïcité est donc vue comme le socle commun de la société. Son principe s’applique notamment au champ des institutions publiques et auprès des agents de ces institutions.

Voilà le sens de la mission que se donne Laïcité capitale nationale.